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Le blog de MCL

Le rapport Perrot-Leclerc

4 Juin 2009, 00:49am

Publié par Lemesle

 

Les relations entre producteurs, distributeurs et exploitant : concurrence et régulation sectorielle du cinéma. 

 

Anne Perrot vice présidente du Conseil de la concurrence et Jean-Pierre Leclerc conseiller d’Etat ont rendu le 28 mars leur rapport sur l’implication du droit à la concurrence dans le domaine du cinéma. Ce rapport fut remis à Madame Christine Lagarde ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi et à Madame Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication.

« Les principes de la concurrence font en effet fondamentalement confiance au marché comme principe unique d’organisation. »[1] Les instruments de la concurrence « ne cherchent pas à protéger les entreprises des mécanismes du marché, sauf celles qui seraient les victimes de pratiques anti-concurrentielles. »[2]. L’Etat, depuis les années 40 a toujours exercé un rôle de régulateur dans le secteur cinématographique en mettant un système de redistribution des recettes, autorisation d’exercice dans la profession, concertation avec les professionnels. Le Centre National de la cinématographie a été crée par la loi du 25 octobre 1946, le CNC est un établissement public, doté d’une autonomie financière. Dans un premier temps, nous étudierons les coûts fixes et le fonctionnement de rémunération des producteurs, distributeurs et exploitants pour ensuite analyser le marché de la distribution et son évolution. Enfin nous intéresserons aux relations entre distributeurs et exploitants. Ces différentes parties permettent de mettre en évidence les propositions du rapport Perrot Leclerc.

 

I- Coûts fixes et rémunération

L’économie du cinéma a pour particularité d’avoir des coûts fixes, des recettes aléatoires. Le film est une œuvre artistique, mais d’un point de vue économique c’est un prototype. La chaîne cinématographique constitue le producteur, le distributeur et l’exploitant, pour les films destinés à la salle. Les coûts de la production sont des coûts fixes, la rentabilisation d’un film s’effectue grâce aux recettes des différents coûts d’exploitation : la salle, la télévision, la vidéo et la télévision. Sachant que le financement du film est indépendant des recettes à venir du film. Les coûts de la distribution sont également fixes, ce qui implique les frais d’éditions pour promouvoir le film. Les coûts d’éditions et de promotion sont des coûts échoués, ils ne sont pas récupérables après que le film ait quitté l’affiche. Enfin, les coûts des exploitants sont essentiellement fixes : nous comptons les frais d’aménagement et de rénovation de la salle selon la capacité de la salle. Les exploitants ont intérêt à pratiquer une programmation et une politique tarifaire attractive. Ainsi, que d’utiliser des abonnements permettant de fidéliser le client. En ce sens, la valeur d’un film ne dépend pas des coûts de la production, ni de la distribution, ni de l’exploitation, mais de la valeur marchande du film devenue possible avec la venue ou non de spectateurs. La valeur du film en fin d’exploitation sera représentée par les recettes.

 

La rémunération des différents acteurs se base sur les recettes salles et les recettes des autres supports d’exploitations. Au départ le producteur et le distributeur signent un contrat stipulant la durée des droits d’exploitations sur différents supports, le distributeur peut avoir les droits salle France et internationaux, mais également télévisuels, vidéos et VoD. Le contrat délimite les droits d’un territoire donné pour une durée limitée, en général de 5 à 7 ans. Pour la sortie salle, le distributeur s’engage à investir une somme x pour les frais d’éditions, en accord avec le producteur, il s’engage sur une date de sortie. Le distributeur peut mettre un minimum garanti qui aidera le producteur au stade de la production, mais qui sera remboursé après l’exploitation du film en salle. Il est très rare que le minimum garanti se fasse sur la vidéo. Enfin, le distributeur négocie sa commission qui est de l’ordre de 25 à 30% qui doivent rembourser dans le meilleur des cas les frais d’éditions. Une fois le film exploité en salle, il a fait x entrées soit x €, alors le distributeur prend sa commission et reverse le reste au producteur. La distribution négocie de manière orale le reversement des recettes en commerciale avec l’exploitant, en général de 50% (taux de location pouvant être dégressif selon le nombre de semaines exploitées). Chaque semaine l’exploitant édite un bordereau qu’il envoie au CNC et que le distributeur peut récupérer. Ce bordereau stipule le numéro de la semaine, la semaine d’exploitation (ex : 1), le nombre de projections, les jours de projections, le nombres de spectateurs par jour. Nous avons alors la recette qui est le prix du billet pour chaque séance qui donne une recette totale, par exemple 71,20€ pour la semaine 1. La recette hors TVA sera de 67,43€, à cela nous enlevons la taxe spéciale de 7, 63€ ce qui donne une base de film de 59, 80€. Sur cette base film le distributeur touche 50% soit 29, 09€, nous enlevons 1, 210% pour la SACEM soit une facturation TCC sera de 30,78€[3]. Le distributeur devra donc le facturer à l’exploitant.

 

« Certains distributeurs et exploitants se plaignent de la « loi de la jungle » qui régnerait entre eux. Cette situation résulte en partie de l’absence de contrats signés. Faute de contrat précisant les conditions de diffusion d’un film, l’exploitant auquel une copie a été confiée n’est tenu à aucun engagement. Il peut décider de façon discrétionnaire de retirer le film de l’affiche, de le programmer dans une salle plus petite ou de le présenter en multiprogrammation. »[4] Des principes contractuels précisent les «  conditions générales de location des films » de 1936 confirmés par une réglementation qui l’a suivie (1948) déterminant les principaux principes contractuels entre les deux branches de la filière.[5]

1- Cession des droits temporaires pour l’exploitation d’un film fait l’objet d’un contrat commercial

2- Titre précis

3- Le nom de l’établissement qui diffusera le film

4- Le prix de la location

5- la date de passage souhaitée, le nombre de séances pratiquées et le nombre de semaines que le film doit demeurer à l’affiche.

6- Le prix des places pratiqué (ce qui n’est jamais le cas)

Le fait d’imposer des contrats écrits, avec une signature électronique est une des propositions pour simplifier la relation entre l’exploitant et le distributeur. Cette obligation de conclure des contrats écrits prévoit d’utiliser des textes existants relevant des ententes des groupements et ententes de programmation appliquée par un décret datant de 1983. Le rapport Perrot Leclerc ne cite pas la réglementation de 1948 citée par Monsieur Claude Forest.

 

 II- Le Marché de la distribution

 

En 2006, les 10 premiers distributeurs ont réalisé 78,3 % des entrées et les 5 premiers 52,9 %. L’activité de distribution est exercée par différents types de sociétés : nous comptons 4 grandes familles de distributeurs :

-                Les 5 filiales des Majors Américaines : 20th Century Fox, Warner Bros., Walt Disney Studio, Paramount Pictures France et Sony Pictures

-                Les 3 filiales des chaînes de télévisions : Studio Canal Distribution, TFM Distribution, SND

-                Les 4 sociétés intégrées au groupe d’exploitation : Pathé, Gaumont, UGC, MK2

-                Les distributeurs indépendants de grosses, moyennes et petites structures : EuropaCorp, Ocean Films, Diaphana…

 

En 2006 : 102 entreprises de distributions en France (la moitié qui sortent 2 ou 3 films par an)

 

Aujourd’hui nous assistons à l’inflation du nombre de films et du nombre de copies, en 2006 nous comptions 589 films sortis, soit 49 sorties par mois, 11 par semaine. En 2005, nous comptions 550 films, en 1996 nous avions 387 films qui sortaient. Nous notons également l’inflation du nombre de copies 79 000 copies en 2006, 275 000 copies en 2005 contre 37 000 en 1996. Nous devons également noter l’augmentation du nombre d’écrans 5 362 en 2006, 5 374 en 2005 contre 4 462 en 1997[6]. Cette évolution s’explique en partie par la rotation des films qui ont une exploitation de courte durée, excepté les films indépendants qui cherchent à rentabiliser le film sur la durée avec des circulations de copies. Cette surenchère de films entraine une surenchère des frais de promotion. Les dépenses publicitaires sont passées de 129M€ à 425M€ de 1998 à 2007[7]. De plus, on observe une augmentation des investissements liées à la salle de cinéma : les films annonces, l’affichage, les préventifs, les achats d’espace en presse et sur internet. Le but est d’offrir une offre saturante quelques semaines avant la sortie du film. Malheureusement, comme nous l’avons évoqué ci-dessus, les distributeurs ont des tailles différentes, les groupes intégrés d’exploitations, ou les groupes de chaînes de télévision peuvent se permettre cette surenchère, car ils tentent de rentabiliser le film avec la multiplication des mandats et la concentration des acteurs par une intégration verticale. Le rapport Perrot Leclerc recommande de favoriser la concentration périodique entre les distributeurs autour d’un calendrier de sortie de films.

 

Les distributeurs ne se diversifient rarement dans leur choix de film, car ils doivent respecter une ligne éditoriale. De plus, le rapport précise qu’il faut mieux que les distributeurs indépendants se renforcent dans une intégration verticale, plutôt que des les aider par des financements publics qui favoriseraient un « label de distributeur indépendant »[8]. Cela ne s’applique pas aux exploitants. Enfin, selon DIRE et les Syndicats des distributeurs indépendants, les aides sélectives[9] à la distribution sont insuffisantes, en 2008 une enveloppe de 7,10M€ y est consacrée, contre 52, 04M€ pour la production et 22, 6M€ pour l’exploitation. Le niveau de soutien automatique à la distribution représente 2,85M€, contre 71,50M€ à la production et 57,07M€ à l’exploitation. Le rapport incite à procéder à un audit des aides à la distribution et à l’exploitation et ainsi qu’à renforcer leur sélectivité.

 

 II- La relation distributeur exploitant

 

Les pouvoirs publics ont comme objectif une régulation sectorielle, où les exploitants de salles en position dominante  ont des obligations de programmation pour participer à la diversité culturelle. Les petits exploitants favorisent les films  porteurs pour maximiser les recettes, mais ils se consacrent aux films plus difficiles à exploiter. Le rapport recommande en ce sens d’imposer aux salles municipales opérant en concurrence avec des exploitants privés de souscrire des engagements de programmation, ou de définir un projet cinématographique précis par des conventions ou cahiers des charges s’imposant aux gestionnaires de l’établissement. De plus, étendre le régime de programmation aux multiplexes qui n’y sont pas soumis.

La libération du prix de salles de cinéma date de 1986, Nous observons un éventail large du prix de la place de cinéma, la moyenne  est de 5,94 euros en 2006 soit 19,2 % des entrées sont tarifées entre 2 et 5 euros, 57,5 % entre 5 et 7 euros, 23,3 % entre 7 et 10 euros [10].  Nous devons noter que l’intervention des collectivités territoriales sur le marché de l’exploitation peut accroître la concurrence sur ce marché et non fausser les conditions de cette concurrence. Les établissements exploités par des organismes publics représentent 15,5 % des établissements, mais seulement 2,7 % des entrées et 1,9 % des recettes. L’exploitation privée commerciale demeure largement prédominante  49,3 % des établissements, pour 89 % des entrées et 92 % des recettes, y compris face aux structures associatives 35,2 % des établissements mais seulement 8,3 % des entrées et 6,1 % des recettes[11] Le rapport Perrot Leclerc recommande « d’inviter le médiateur à élargir le champ de ses interventions, par l’exercice d’un pouvoir de conciliation ou de recommandation en matière de pratiques discriminatoires ou abusives dans l’accès des films aux écrans, de relations commerciales entre distributeurs et exploitants, de concurrence entre salles municipales et salles privées, de politique tarifaire et de rémunération des distributeurs, et renforcer ses moyens. » Le but serait de remédier à la concurrence des prix des places fixés par l’exploitant. Leurs prix peuvent être faibles s’ils reçoivent des aides des collectivités locales. Le distributeur pourrait avoir un droit de regard sur les prix pratiqués, ou permettre au distributeur et à l’exploitant de négocier librement des rémunérations soit minimales soit forfaitaires, ou encore imposant au distributeur à l’exploitant un prix référence.

 

Conclusion

 

Le rapport conclu sur les nouveaux médias, la filière est confrontée à l’arrivée de nouvelles technologies, notamment l’équipement des salles en numériques qui sûrement engendrera des modifications entre les distributeurs et les exploitants. Ainsi que la mise en place du mandat VoD . Nous comptons trois grands types de plateformes se partagent le marché de la VoD :

 

« - Les services de VoD proposés en marge d'un site Internet d'un éditeur de DVD ou d’un détenteur de droits isolé. Leur offre de titres est réduite au catalogue de l'éditeur et comprend généralement moins de 100 titres 

 

- Les services de VoD généralistes ou thématiques proposés par des sociétés indépendantes. Le nombre de titres peut varier de 300 à 1 500.

 

- Les services de VoD généralistes proposés par des filiales de groupes de communication, des opérateurs de télécommunications ou des fournisseurs d’accès à Internet. Ces services proposent aujourd’hui des catalogues qui dépassent généralement les 1 500 titres. »[12]

 

A cela s’ajoute quatre principaux modèles économiques de la VoD :

 

- le téléchargement temporaire (Location dématérialisée) : la vente dématérialisée pourrait remplacer la location dvd, ce qui est intéressant c’est l’absence de frais d’éditions et c’est un modèle pour rémunérer les ayants droits et l’éditeur.

 

- le téléchargement définitif (Vente dématérialisée) : une solution pour concurrencer la vente de dvd ou même peut être la remplacer.

 

- l’abonnement (Subsription VoD) : cette offre permet de créer une offre globale de services, sans se soucier du contenu.

 

- la diffusion gratuite de programmes vidéo financés par la publicité (Free-ad VoD).

 

Le rapport recommande de fixer par voie interprofessionnelle la fenêtre d’exploitation des services VoD, dans le but de préserver la chronologie des médias. De plus, donner aux ayants droits la garantie d’une rémunération minimale lors de la location du film en VoD.

A ce jour, nous ne connaissons l’impact sur les négociations interprofessionnelles, certaines de ces propositions sont reprises comme exemple par DIRE et les syndicats des distributeurs indépendants, notamment sur les propositions de rémunérations des distributeurs.

MCL

 

Bibliographie

 

Anne Perrot et Jean-Pierre Leclerc, Cinéma et Concurrence, mars 2008

 

Bilan du CNC, 2007

 

La Géographie du cinéma, octobre 2007

 

Média Consulting Group, L’Economie de la Vod en France, CNC, mars 2008

 

Claude Forest, L’argent du cinéma : Introduction à l’économie du septième art, Berlin Sup, 2002, p 119-120

 

[1] Anne Perrot et Jean-Pierre Leclerc, Cinéma et Concurrence, mars 2008, p 4

[2] Anne Perrot et Jean-Pierre Leclerc, Cinéma et Concurrence, mars 2008, p 4

 

[3] Bordereau de recette n°02579, programmation du 26/11/2008 au 02/12/2008, semaine 48, Cinéma Luteva 2 à Lodève, film programmé la Frontière de l’Aube distribué par les Films du Losange

[4] Anne Perrot et Jean-Pierre Leclerc, Cinéma et Concurrence, mars 2008, p 26

[5] Claude Forest, L’argent du cinéma : Introduction à l’économie du septième art, Berlin Sup, 2002, p 119-120

[6] Anne Perrot et Jean-Pierre Leclerc, Cinéma et Concurrence, mars 2008, p 57

[7] Bilan du CNC 2007

[8] Demande de DIRE et des Syndicats des distributeurs indépendants

[9] Bilan 2007 du CNC

[10] Bilan du CNC 2006

[11] La Géographie du cinéma, octobre 2007

[12] Média Consulting Group, L’Economie de la Vod en France, CNC, mars 2008, p 6

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